Renaissance
Généralités
Le mot « renaissance », comme « moyen-âge » date du XVIIIème siècle. Il désigne la remise à l’honneur de l’antiquité dans les lettres et les arts.
A cette époque, la personnalité du compositeur se précise. Le compositeur-type, comme celui du XVème siècle fait ses études, enfant, dans une maîtrise où il chante aux offices, puis il fait un voyage d’études, le plus souvent en Italie. Voilà pour le cursus. Enfin il occupe divers postes au service de cours, d’églises, et se fixe finalement dans une ville (souvent celle de son point de départ) où il assure la direction musicale de la chapelle et forme des élèves qui suivront la même filière et assureront la relève.
Les genres traités restent les mêmes : principalement messes, motets, chansons.
L'évolution du style se fait progressivement autour de deux axes principaux, coexistant parfois dans un même morceau, mais se mélangeant rarement :
a. Le style contrapuntique, issu directement de la polyphonie du XVe siècle et correspondant souvent au développement d’un thème donné.
b. Le style vertical, souvent sans thème donné et s’appuyant essentiellement du sens des paroles.
• Ce dernier, plus « moderne » finira par dominer entièrement la fin du siècle.
• L’exécution « a cappella » est une exception, réservée à la musique religieuse, et deviendra bientôt l’apanage de la seule Chapelle Sixtine, d’où son nom. Les voix aigues sont confiées aux enfants (les femmes ne chantent pas à l’église).
• Le nombre-type de voix, qui était de 3 au XVe siècle, passe à 4 et prend une terminologie basée sur la tessiture. Seul le ténor conserve son nom latin qui devient lui aussi, un nom de tessiture.
Le langage évolue lui aussi. On voit se généraliser la consonance à trois sons (dite «triade» d’accord parfait). Sans affirmer avec précision ce qui suit, on peut constater en général que la tierce de l’accord parfait est :
a) -En cours de texte, fréquente mais non habituelle au temps de Dufay1
-Habituelle mais non constante au temps d’Ockeghem2
-Constante sauf exception au temps de Josquin3
b) -En accord final, presque jamais au temps de Dufay
-Rarement au temps d’Ockeghem
-50% au temps de Josquin
-75% au temps de Janequin4
-Constante sauf exceptions au temps de Lassus5.
1 Dufay (musicien franco-flamand, né vers 1400 et mort le 27 novembre 1474)
2 Ockeghem (musicien franco-flamand, né vers 1420 et mort 6 février 1497, considéré comme le chef de file des compositeurs de la
2ème moitié du XVème siècle)
3 Josquin des Prés (musicien franco-flamand, né vers 1450 et mort le 27 août 1521)
4 Janequin (prêtre et compositeur français, né vers 1485 et mort à Paris en 1558)
5 Lassus (musicien franco-flamand, né en 1532 et mort le 14 juin 1594)
La tierce mineure suit avec un peu de retard l’exemple de la tierce naturelle. Josquin l’adopte même en finale, mais ses successeurs hésitent à suivre son exemple. Même les pièces mineures finiront longtemps par un accord parfait majeur (baptisé plus tard tierce picarde, par confusion avec le mot «piquart» qui signifie «aigu, acéré»). Jusqu’aux toutes dernières années du siècle, l’accord de septième reste inconnu.
Comme par le passé, les altérations restent notées de manière imprécise. Aucune règle n’est sans exception, il est parfois impossible de savoir exactement ce qu’il faut faire. Les anciens eux-mêmes hésitaient souvent, en témoignent les tablatures de luth. Celle-ci indiquant la place des doigts et non la note musicale, sont à peu près les seuls témoins indiscutables de l’usage du temps.
La tonalité classique n’est pas encore fixée, les modes anciens se fondirent progressivement en 2 modes, «majeur» et «mineur».
1ère période 1474-1520 environ
Transition avec le XVème siècle flamboyant
Charnière entre le moyen-âge et la renaissance, cette période contient bien des traits empruntés à celle qui la précède. Les musiciens aiment les tours de force technique. C’est encore à ce XVe siècle finissant que cette période empruntera son amour des guirlandes ornementales.
Il est amusant de noter que notre quotidien musical tel que la fin d’un morceau sur un accord, pose encore des soucis au point de s’évader par un artifice mélodique.
De tous les instruments, le luth est alors le seigneur et maître. Toute personne cultivée sait jouer du luth, comme aujourd’hui du piano (au point que l’on continue à appeler «luthier», les fabricants d’instruments qui ne fabriquent pourtant plus de luth depuis 300 ans). Le luth allait jusqu’à suppléer la voix humaine. Toute cette période est dominée par l’école franco-flamande, dont les 4 principaux figurent dans un vers mnémotechnique de la «déploration sur la mort d’Ockeghem», mise en musique par Josquin Des Prés :
Accoutrez-vous d’habits de deuil
Et pleurez grosses larmes d’œil,
JOSQUIN, BRUMEL, PIERCHON, COMPERE,
Perdu avez votre bon père.
1. Josquin des Prés (né vers 1440 peut-être à Beaurevoir, mort le 27 août 1521). L’un des plus grands musiciens de tous les temps, déjà admiré de son vivant ; son influence a été immense.
2. Antoine Brumel, mort 1518 ; naissace inconnue, vit à Paris, Lyon , Ferrare
3. Pierchon : diminutif de Pierre de la Rue, mort en 1519 ; vit à Bruxelles et Courtrai.
4. Loyset Compère, né peut-être à Saint-Quentin, mort en 1518.
2ème période : 1520-1550 environ
Cette période qui correspond à peu près au règne de François premier, fait apparaître deux courants principaux :
Le premier continue le courant précédent, le second est une réaction de la chanson française contre l’austérité du courant précédent, dans le sens de la légèreté et du badinage. Cette école est dominée par Clément Janequin et groupe des parisiens et des français du centre (vallée de la loire).
Les genres demeurent sans changement : messe, motets, chansons. Pourtant on note l’apparition discrète en Italie d’un dérivé de la chanson, le madrigal.
I. Diffusion de l’école de Josquin
La renommée de Josquin des Prés était telle que presque tous les musiciens des générations suivantes se sont réclamés de lui. On peut enfin rattacher à cette école le développement d’une musique instrumentale de luth, puis de clavier. D’abord simple musique à danses, elle va peu à peu conquérir son indépendance. Les instruments ont au début un répertoire commun, puis progressivement les instrumentistes adapteront à leur instrument, le répertoire des chansons. De ces adaptations amplifiées, naîtront peu à peu des genres instrumentaux déterminés.
Le ricercar ou ricercare par exemple qui après une vraisemblable naissance à Venise, se développera rapidement en passant par l’Espagne sous le nom de tiento, puis en France à la fin du XVIe sous le nom de fantaisie. On considère qu’il est à l’origine de la fugue.
La musique de danse de son côté hésite encore à quitter son rôle d’accompagnement pour aborder le style de concert, bien qu’elle emploie un langage harmonique complet.
II. Ecole française de Paris et de la Loire
C’est, nous l’avons dit, une réaction contre la gravité de l’école franco-flamande. Elle traduit en musique l’atmosphère légère et galante de la vie de cour dont le symbole en architecture est donné par les châteaux de la Loire. Cette école développe surtout la recherche de couleur dans un esprit imitatif, d’où l’importance des pièces descriptives.
Le chef de file est sans conteste Clément Janequin (né à Châtellerault vers 1490, prête, il n’atteint la célébrité que vers 1530, date à laquelle il est chantre du roi François premier. Il mourra cependant dans la misère et les procès en 1558). C’est un virtuose inégalé de la sonorité des mots et réalise grâce à eux, une «orchestration chorale» d’une variété et d’une richesse extraordinaire tant dans ses fresques que dans ses chansons de dimensions normales.
III. La chanson italienne, le début du madrigal
En 1510, un nouveau mot fait son apparition dans le vocabulaire musical italien. Le mot n’est pas tout à fait défini, Mais avec un contenu spécialement accès sur le texte amoureux, il semble issu directement de la chanson française.
3ème période 1550-1575 environ
(déclin de François 1er et mort de Charles IX, 1574)
Période de maturité et de synthèse. L’expansion géographique de l’école de Josquin est stabilisée, l’opposition des deux écoles franco-flamande et française fait place à une fusion harmonieuse. Bientôt il faudra compter avec de nouvelles nations : Italie, Espagne, Allemagne, Angleterre, toutes ou presque formées d’abord à l’école de Josquin et s’en dégageant peu à peu.
I. L’évolution de la polyphonie traditionnelle
a) L’internationalisme : Roland de Lassus.
De son origine commune, la polyphonie des différents pays conserve une certain unité que symbolise bien Roland de Lassus (Né à Mons vers 1530, près de la frontière actuelle franco-belge, élevé en Italie, voyageur en France et en Angleterre, fixé à Munich en 1556, il y meurt en 1594), auteur de chansons françaises, flamandes, allemandes, de madrigaux italiens, et d’une œuvre religieuse considérable, il a laissé plus de deux mille pièces dont une partie seulement est publiée à l’heure actuelle. Il fut considéré par ces contemporains comme un novateur, capable de rallier la profondeur de Josquin et la verve de Janequin.
b) L’école Française
En 1552, la publication par le poète lui-même des «Amours» de Ronsard (1524-1585) accompagnés d’un supplément musical dû à quatre musiciens : Certon (?-1572), Janequin (vers 1485-1558), Muret (1526-1585) et Goudimel (vers 1415-1572), il devient le poète favoris des musiciens.
La chanson polyphonique se développe. Elle gagne en souplesse et en grâce, mais perd en malice et en piquant. Cette période offre une importance considérable aux transcriptions pour chants et instruments. Parmi ces instruments, le luth est toujours en tête mais n’est plus seul désormais, il partage l’espace avec d’autres instruments de la même famille : cistres , mandore ou guitare.
c) Ecoles italiennes
Deux villes se détachent : Venise et Rome.
1. Venise. L’empreinte josquinienne apposée par Willaert (compositeur flamand, né vers 1490, mort en 1562) sur la musique s’approfondit et évolue vers une école originale d’abord de musiciens flamands puis définitivement italiens; Zarlino (1517-1590) en 1565, suivi de Giovanni Gabrieli (1554-1557) et plus tard Monteverdi(1567-1643).
2. Rome. Ici domine l’activité des grandes maîtrises impliquées dans le cérémonial pontifical. On comprend fort bien qu’à l’époque où le concile de trente s’inquiétait des innovations de la Réforme et cherchait à éliminer de la liturgie les apports extérieurs, on ait favorisé un traditionalisme plus accusé qu’ailleurs.
Ainsi s’explique en partie le rôle exceptionnel du compositeur Giovanni Pierluigi, dit communément Palestrina. Bien qu’ayant écrit également des madrigaux profanes et des ricercari instrumentaux, il est avant tout un compositeur de musique religieuse. Il a laissé d’innombrables motets et cent cinq messes. Cependant il n’est pas un novateur. Face aux vénitiens et aux premiers madrigalistes, il fait figure d’académiste attardé ; mais la pureté de son style et l’équilibre de ses proportions font de ses œuvres des modèles de « poésie d’exactitude » comme le pensait Joseph Samson.
d) D’autres pays
L’Angleterre, hésite encore entre catholicisme et réforme. L’Espagne développe le luth comme partout ailleurs, quant à l’Allemagne, elle se place tout à fait à part : elle est, en effet, alors profondément secouée par une aventure qui sera aussi lourde de conséquences dans l’histoire musicale que dans l’histoire tout court : la réforme.
II. La réforme
C’est en 1521 (date de la mort de Josquin), qu’elle prend naissance. Elle préconise en réaction violente contre la légèreté du répertoire profane, particulièrement celui des chansons, une musique empreinte d’un climat austère. Elle attaquera ce répertoire de trois façons : soit en cherchant à le supprimer, soit en l’adaptant, soit enfin en se créant un répertoire propre.
Deux usages très différents se juxtaposent :
-l’usage luthérien (musique réformée allemande)
-l’usage calviniste (musique réformée française)
1. Luther. Il est musicien et croit au rôle formateur de la musique. iI voudra l’utiliser et la réformer. Ancien moine, il connaît et aime la liturgie.
2. Calvin. N’étant pas musicien, il se désintéresse de la liturgie et vise à la supprimer pour la remplacer par des réunions pieuses. Il reconnaît néanmoins le pouvoir de la musique qui peut-être soit pernicieux soit édifiant, et s’attachera en conséquence à développer ce dernier aspect.
Le psaume, l’équivalent français du choral allemand.
Alors que le choral est un texte libre, le psaume chanté est une traduction fidèle en vers du psaume de la bible : aucune liberté de parole. Calvin s’est initié aux cantique à Strasbourg, où le premier recueil de psaumes français parut en 1539. Comme Luther, il intervint personnellement dans les traductions. A l’image du choral, le psaume est d’abord conçu à l’unisson, puis éventuellement harmonisé à quatre voix ou plus pour usage facultatif. Le principale harmonisateur fut Claude Goudimel (mort en 1572 lors de la Saint-Barthélémy), mais de très nombreux musiciens, réformés ou non participèrent à cette «mise en musique» comme on appelait l’harmonisation.
4ème période 1575 - 1600 environ
recherches humanistes
A. tranformation du langage musical
C'est une intense période de bouillonnement intellectuel et de recherches appuyées principalement sur la "hantise de l'antiquité". Paradoxalement c'est par une volonté de retour en arrière que se développeront les nouveautés les plus fécondes.
Le centre géographique se déplace vers le sud : les deux pays conducteurs sont désormais la France (mais centrée sur Paris et non plus sur les musiciens du nord) et l'Italie, dont le rôle sera de plus en plus important.
I. Recherche d'échelles nouvelles.
Jusqu'à présent, on employait la gamme de pythagore, construite par quintes. La tierce passée de l'état de dissonance à l'état de consonance, se satisfait mal de sa grande hauteur. On découvre alors que les Grecs possédaient d'autre échelles, et c'est sous cet angle, que l'on aborda la révision. Ceci apporta deux résultats : la gamme Zarlinienne et le chromatisme.
II. Recherche harmoniques.
Les profondes modifications sont issues cette fois-ci autant des recherches conscientes que d'une démarche intuitive. On rappelle que la notation est encore imprécise : seules les notations en tablature (c'est à dire transcrivant le doigté et non la note) sont à préciser.
III. Recherche rythmiques.
Celles-ci prennent un tour très différent de ce qu'elles étaient à la fin de l'Ars nova, ou à l'époque de Josquin Des Prés. A l'époque, il s'agissait le plus souvent d'utiliser les différentes divisions possibles d'une même valeur (binaire ou ternaire). c'est sous l'influence humaniste qu'on va chercher maintenant à rompre la régularité du temps d'appui, qui ne s'exprime pas encore par la future barre de mesure.
En 1571, le poète Jean-Antoine de Baïf, assisté du musicien Thibaut de Courville (dont presque toutes les oeuvres sont perdues), obtient de Charles IX, malgré l'opposition du parlement, la fondation de son "Académie de Poésie et de Musique", dont l'un des buts essentiels était de ressusciter la poésie chantée des Anciens en langue française, par l'union de la poésie et de la musique, sur la base d'une métrique par longues et brèves, analogue à celle des anciens.
Dans la musique mesurée à l'antique, le rythme est établi antérieurement au texte. Son succès fut tel que l'on en vint bientôt à traiter comme s'ils étaient écrits en vers mesurés des textes qui ne l'étaient nullement.
B. Genres et Ecoles (musique vocale)
Cours inachevé ! en construction.